Production électrique et usines électro-intensives : une symbiose historique

 

L’industrie électro-intensive est un partenaire « naturel » et indispensable du développement et de la sécurité du réseau électrique en France mais aussi de toute la filière de production car elle assure aux producteurs une consommation stable, prévisible, 24h/24 et 365 jours par an…

Elle est un partenaire privilégié pour l’équilibrage des réseaux électriques car les sites industriels représentent autant de capacités d’effacement de consommation, mobilisables pour certains dans des temps très courts (de 5s à 30 mn) et pour des puissances importantes (de 10MW à plus de 200 MW).

Historiquement, les sites industriels se sont implantés à côté des moyens de production existants ou de gisement d’énergie à exploiter (par exemple avec les barrages).

Avant la nationalisation des moyens de production en 1946, de nombreux industriels possédaient leurs propres centrales et pouvaient ainsi s’approvisionner à prix coûtant ; c’est encore le cas le cas dans certains pays, même si une alternative plus courante aujourd’hui consiste à mettre en place des contrats d’approvisionnement sur le long terme.

Aujourd’hui, même si ces pratiques sont révolues en France, les relations entre producteurs d’énergie et industrie sont très étroites et certains sites industriels sensibles ont même pour actionnaire EDF.

 Vous pouvez découvrir ci-dessous 2 cartes permettant de comparer les implantations des centrales nucléaires en France d’une part et celles des sites industriels d’autre part.

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L’électricité, une matière première à part entière

L’industrie dans son ensemble consomme de fortes quantités d’électricité.

Même si, en France, la part de l’industrie dans la consommation électrique est en baisse,  elle représente toujours un peu plus d’un quart de la consommation française (26% en 2011 selon RTE hors secteur énergie).

Pour certains industriels, l’électricité est une véritable matière première stratégique. Ils sont dits en général électro-intensifs.

Pour Exeltium, la loi a défini un électro-intensif selon plusieurs critères dont notamment :
  • la consommation annuelle d’électricité du site en heures creuses, c’est-à-dire réalisées entre 20 heures et 8 heures en semaine, ainsi que le samedi et le dimanche, représente au moins 55 % de la consommation annuelle totale d’électricité. Ce critère assure que les sites qui sont fournis par Exeltium ont une consommation assez stable, 7/7 et 24/24
  • un critère de consommation sur 8000 heures (335 jours) par site de production
  • au moins de 2,5 kWh par € de valeur ajoutée : ce critère assure que le coût de l’électricité a un impact prépondérant dans la valeur ajoutée de l’usine. C’est un critère très sélectif qui exclut un certain nombre d’industries qui auraient pu satisfaire les deux premiers critères mais pour qui l’électricité n’est pas le principal coût (automobile, pneumatiques…).

De manière simplifiée, les industriels concernés sont :

  • les papetiers qui ont besoin de beaucoup d’électricité pour les machines rotatives
  • les chimistes pour faire fonctionner les cuves d’électrolyse, les compresseurs des vapocraqueurs
  • la métallurgie, pour les fours, les laminoirs, l’injection d’air chaud dans les hauts-fourneaux
  • l’industrie de l’aluminium, pour les cuves d’électrolyse
  • l’industrie des gaz industriels, pour les compresseurs.

Les dispositifs de compétitivité dans le monde

Les industries électro-intensives sont généralement en amont de filières industrielles entières et à ce titre souvent visées par les politiques industrielles des Etats. Le caractère stratégique de l’approvisionnement électrique a donc conduit de nombreux pays à garantir un approvisionnement électrique compétitif et de long terme aux électro-intensifs, sur la base d’une production électrique « patrimoniale », issue des ressources locales.

C’est aussi l’esprit du projet Exeltium, puisqu’il s’agissait de lier la consommation électro-intensive au parc nucléaire français et à son développement.

La carte ci-après présente plusieurs cas exemplaires de cette politique énergétique pleinement associée à la politique industrielle. Passez votre souris sur les pastilles rouges pour en savoir plus. 

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Au Québec, un « bloc patrimonial » d’hydro-électricité est alloué aux consommateurs industriels :  le tarif L, pleinement conçu comme un outil de compétitivité, s’applique aux consommateurs nécessitant une puissance supérieure à 5 MW, tient compte des caractéristiques de consommation et des coûts de distribution moins élevés pour les grandes quantités d’électricité.
Aux Etats-Unis, la New York Power Authority à l’est et la Bonneville Power Administration à l’ouest, qui exploitent des projets hydroélectriques fédéraux, ont alloué des ressources hydroélectriques à des producteurs d’aluminium.
Au Brésil,  le régime de concessions hydrauliques a été modifié afin de faire baisser les tarifs électriques pour les industriels (30% en moyenne). Des industriels électro-intensifs ont participé à des appels d’offre pour la construction de nouveaux grands barrages et certains couvrent désormais 70% de leurs besoins électriques au Brésil avec leurs ressources propres.
En Norvège, le régime de concessions hydrauliques de très longue durée a favorisé le développement de leaders européens dans le secteur de l’aluminium ou des ferro-alliages.
Les Pays du Golfe continuent de développer leurs activités industrielles électro-intensives en leur allouant une partie de leur ressource gazière sur une base de « coût moyen pondéré », entre 3  et 6 fois inférieur au prix d’exportation de ce gaz, cet arbitrage montrant ainsi le caractère stratégique d’une dynamique industrielle préférée à la seule rente gazière.
En Chine, les nouveaux investissements électro-intensifs – métallurgie mais aussi certains secteurs de la chimie – se font désormais principalement dans les Provinces du Nord-Ouest sur la base d’un accès privilégié à des ressources en charbon, sur de très longues durées (40 ans au moins).
En Russie, une grande partie de la ressource hydro-électrique est réservée à des usages industriels électro-intensifs : la moitié de la production sibérienne, assurée par trois grands barrages, est contrôlée par des filiales du groupe En+ auquel appartient le groupe d’aluminium RUSAL, qui a ainsi contractualisé 70% des besoins en électricité de six grandes usines en Sibérie sur la base de formules de prix à long terme ; dans la même logique, en 2013, RUSAL doit démarrer une nouvelle usine construite en association 50/50 avec  la société d’Etat RUSHYDRO, spécialisée dans la production hydro-électrique.